La chorégraphe Nacera Belaza poursuit depuis une dizaine d'années une quête, d'abord humaine et intérieure, avant de prendre artistiquement l'apparence d'un formalisme esthétique. Mais les contraintes, en l'espèce chaque fois d'une obsession sonore et d'un évidement du plateau, sont ici créatrices d'un espace de solitude pour les danseuses mais aussi pour le spectateur. Dénuée de toute frivolité, la danse s'y évoque en un rituel sensible, au bord d'une transe, rejoignant
les sources d'un sacré aussi humble et secret qu'universel et humain, en dehors de tout ordre ou dogme moral terrifiant. Pour se lier aux autres et au monde, Nacera Belaza avec sa soeur Dalila Belaza descendent, depuis dix ans de duo en duo*, au plus profond d'elles-mêmes, pour y trouver des sources, provoquant chez ceux qui les regardent de semblables ouvertures. Cette intériorité
concentrée qu'elles exposent dans un bain sonore, éclipse le corps en tant que corps, un corps qui transparaît plus qu'il ne paraît. Dans ce nouveau duo, elles explorent deux sortes de vertiges, entre suspens et fuite en avant ; entre abîme intérieur et mouvement ; entre pétrification et vitesse extrême du passage à l'acte. Plus que jamais, elles-mêmes comme les spectateurs deviennent ces veilleurs et chercheurs, aux écoutes, plongés en eux-mêmes, tout en se regardant sous cette lumière rasante d'une lucidité sur leur temps. Les sentinelles
c'est nous.