Kougsalla, un village de la savane en pays moaga, se prépare pour la saison sèche quand une troupe d'infanterie coloniale prend possession du village. La vie change ; apparaissent les impôts, les réquisitions d'hommes pour les travaux forcés et pour l'armée, les recrutements de jeunes filles pour la mission catholique… L'absurde culmine dans cette frontière qui traverse dorénavant le village et le divise en deux camps irréconciliables. Au fil du temps, d'autres frontières, invisibles celles-là, troublent les esprits, fracturent l'existence des villageois, brisent les familles. Nobila et Wanda sont les premiers à être exilés pour satisfaire le nouveau pouvoir. Ouango connaîtra un exil plus lointain et plus cuisant qui l'enverra d'abord en Côte-d'Ivoire avec Marie, puis en France. Leur fils, Zama, va vivre le quotidien de la deuxième génération, ballotté entre sa famille, l'école de la République, ses copains et son amour pour la blanche Brigitte…

Format : 15 x 23 cm

Broché, couverture quadrichromie avec rabats, pelliculage mat, vernis brillant.

Résumé : Depuis la Haute-Volta – devenue Burkina-Faso – jusqu'à la France, l'exil d'une famille vécu par trois générations.

Extrait : "[...] La désolante chanson aux intonations déchirantes accompagnait les coups, créant une atmosphère insoutenable. Tinto en oubliait de suivre le décompte. Plus que quiconque, le colosse savait admirer le courage physique. Mais il ne pouvait accepter cette bravoure qui le défiait. Il fallait empêcher le garçon de quitter le poteau avec cette auréole qu'il avait su se créer par sa résistance.
– Détachez-le ! tonna Tinto à l'intention de l'assistance écœurée. Regardez-le ! ça veut jouer les héros et ça tremble comme une femmelette. Que cela serve de leçon à tous ceux qui veulent tricher avec les lois. Quand j'ordonne, on obéit. C'est la seule voie pour qu'on s'entende.
– Ne l'écoutez pas ! cria Nobila. Il ment. Il n'a rien décidé du tout. C'est le Petit Commandant qui a décidé ma punition. Il cherche à vous faire peur, mais ce n'est qu'un épouvantail. Lui aussi obéit comme nous. Il n'est que le chien du roi. C'est le roi des chiens peut-être, mais c'est un chien quand même. Comme nous tous. Cette déclaration haineuse de Nobila, l'outrage des injures laissèrent Tinto sans réaction. La tête en feu, le regard brutal et l'œil étincelant de colère, le colosse frisait l'hystérie. La soif de vengeance et le goût du sang l'étouffaient. Il avait le souffle d'un buffle surpris par un feu de brousse. On pouvait voir ses narines s'élargir péniblement pour exhaler la colère la plus noire.
– Regardez ce sauvage ! explosa-t-il enfin. Regardez ce nègre prétentieux ! Ne sais-tu pas qu'en d'autres circonstances et en d'autres temps je t'aurais vendu ? Oui ! Vendu comme un baudet. Vendu, dépensé et oublié ! Mais les temps ont changé et des individus de ton espèce peuvent dire des âneries.
– C'est vrai ! les temps ont changé. À présent, on ne vend plus le fils de l'homme. On le prend avec la complicité d'êtres comme toi, qui se sont vendus aux Blancs. Honte à toi et à tes semblables !
Le visage de Tinto s'assombrit alors de l'obscur besoin de représailles. Il cédait au rare plaisir de punir, de blesser et de marquer le nègre.
– Tu dis aux autres de ne pas avoir peur. Tu prétends toi-même ignorer la peur. Eh bien ! moi le vendu, moi le chien, je vais te donner la leçon dont tu as besoin. Quand tu sortiras de là, tu pourras remercier tes foutus fétiches. Après Kamamyélé, tu vas aller dire bonjour au Guenguéré. Et comme je sais me montrer généreux, tu auras le plaisir de caresser le boulet.[...]"

Citation presse :