Jacques Enguerrand Gourgue

" Jacques Enguerrand Gourgue naît à Port-au-Prince dans une famille modeste en 1930. A l'âge de 16 ans, il ne put résister aux appels des muses, entra au Centre d'art et quelques mois plus tard l'explosa avec la Table magique. Considéré comme un chef-d'œuvre, ce tableau est le point de départ de la grande aventure que mena Gourgue et est exposé actuellement au Musée d'art moderne de New York. Son ardeur pour la peinture tragique l'a conduit à toutes les audaces, toutes les impudeurs et à bousculer avec les conventions de la conception idyllique que prônaient ses pairs. L'historien de l'art Michel Philippe Lerebours dans ses écrits voit en Enguerrand Gourgue un agité pictural puisque ses excès captaient et captent toujours l'attention du public et réveillaient de l'étonnement vif chez ces derniers. Avec lui, c'est le saisissement de la logique du regard. La couleur bleue devient pour lui une source en elle-même, surgissant du tableau et noyant le monde sous sa lumière. Vassily Kandinsky dans « Du spirituel dans l'art et dans la peinture » raconte que, la couleur est le miroir d'un état d'âme. Dans cette même perspective, Gourgue a mis, plein la vue, les différents niveaux de son état d'âme en inondant les toiles de pigments forts, en modulant les surfaces, en introduisant les nuances, les dégradés qui leur donnent de l'amplitude. La résonance des couleurs utilisées dans ses toiles est confortée par la souplesse de la ligne. Tout comme Gauguin et Matisse, Gourgue est un peintre du jour, de la lumière et de la couleur. La libération de la couleur retrouvée dans ses toiles se présente comme le plus petit dénominateur commun du courant fauvisme et possède nécessairement une finalité philosophique, symbolique et mystique. À titre d'exemple, les toiles fauves telles : Vaudou, Fourré, Sirène, pour ne citer que ces trois-là, disparaissent presque entièrement derrière les masses colorées et apportent tacitement un mystère angoissant dans ses activités artistiques. Peintre de vérités cruelles tissant la trame de la quotidienneté du terroir, Jacques Enguerrand Gourgue s'inscrit puissamment dans l'histoire picturale et culturelle de son pays et commémorer sa mort, c'est reconnaître la production assidue qu'il a acheminée dans la peinture haïtienne."
Source : Le Nouvelliste